Récit de session Würm du 20/09/2022 - La Montagne au cœur de glace
Retourner au sommaire des résumés de partie
AVERTISSEMENT : ces résumés de partie sont basés sur la campagne officielle de Würm "Les Enfants de la Rivière", lire l'intégralité vous expose donc à des spoilers.
Trigger Warning : les coutumes de certains
clans préhistoriques impliquent des aspects choquants pour nos
contemporains, tels que la polygamie, le géronticide ou le cannibalisme.
Ce jeu n'est pas centré sur ces aspects, mais reste destiné à un public averti.
La Montagne au cœur de glace
(récit de session de Würm du 20/09/2022, conté du point de vue de Zortaq)
Un an avait passé depuis la réconciliation des clans des Enfants de la Rivière et des Roches Acérées. Chacun de nous quatre nous étions appliqués dans nos spécialités respectives.
Garll avait progressé en tant que chamane, apprenant à apaiser les esprits courroucés ou malveillants. Toutefois, le plus grand changement avait été son union à Loïmeh, qui attendait une naissance imminente, à la grande joie de Garll.
Tara avait passé beaucoup de temps aux côtés de Faudagg, meneur de chasse de l'autre clan, qui lui avait enseigné l'art de se rendre imperceptible et de se déplacer comme une ombre jusqu'à sa proie. Cet apprentissage l'avait conduite à beaucoup côtoyer les jeunes chasseurs des Roches Acérées. Tara nous avait confié qu'elle n'avait encore décelé aucun don de grand chasseur parmi ceux-ci, mais avait reconnu qu'ils ne manquaient ni d'enthousiasme ni de bravoure, ce qui faisait d'eux des compagnons de chasse "valables".
J'avais pu les côtoyer quelque peu, appelant les esprits de la chasse sur leurs armes avant certaines expéditions d'importance. J'avais également pu nouer une relation amicale durable avec Lygrah, qui ne semblait pas encore certaine de suivre ou non les pas de son père sur la voie du chamanisme. La différence entre l'attitude en retrait de N'qénik, l'apprenti de la chamane Tavarra, et l'exubérance joyeuse de Garll ne cessait de la rendre perplexe. Mais après tout, on peut constater autant de différences entre deux chasseurs ou deux artisans.
J'étais par ailleurs devenu proche du discret N'qénik, apprenant à ses côtés l'art de confectionner des fétiches, tradition du clan des Roches Acérées.
Kodä apprenait auprès de Bimeh, l'épouse de Faudagg, l'art subtil des peintures corporelles, comment trouver des pigments et quels motifs tracer afin d’obtenir divers atouts. J'étais très impressionné par la variété des démonstrations qu'il avait pu nous faire. Décidément nos savoirs et ceux du clan avec lequel nous nous étions réconciliés semblaient faits pour fonctionner de concert.
Un an avait passé donc. La saison du sommeil approchait, et avec elle la rareté des proies, des plantes et le froid contraignant notre peuple à réduire ses expéditions au strict nécessaire. Hélas, les dernières chasses avaient été décevantes. Les efforts de chaque membre du clan étaient nécessaires afin d'assurer sa subsistance.
Urhor, le père de Tara et notre meneur de chasse, annonça que tandis que le reste du clan s'affairerait en cueillette et pêche, deux petits groupes de chasse partiraient, l'un dans la Forêt des Pins Géants, l'autre vers les Collines au Zénith.
Le premier groupe serait dirigé par lui-même, et comprendrait Haram, sa fille Tara et moi. Le second serait composé de ses fils Shem et Argun, accompagnés par Namir et Twë.
Une danse de chasse fut effectuée au son du tambour de Garll, et Kodä peignit nos corps afin de nous attirer la protection des esprits avant notre départ. Moi qui était habitué à enchanter amulettes et armes, j'avais l'impression troublante de devenir moi-même le support d'un enchantement.
La chasse fut fructueuse de notre côté, le talent de Tara pour se déplacer sans un bruit n'avait désormais plus rien à envier à celui que Garll possédait depuis longtemps.
Cependant, nous avions fait la rencontre incongrue avec un bouquetin, ou plus exactement une étagne, blanche comme neige. En rentrant vers le camp nous nous interrogions encore : comment cet animal s'était-il égaré si loin des montagnes ? Et pourquoi la bête avait-elle semblé si docile ? Une aura menaçante avait planée avant que Tara ne décide de la laisser repartir sans l'entraver ?
Urhor malgré son expérience semblait aussi dérouté que nous, Haram gardait le silence.
En revenant au camp, nous avons pu constater que le reste du clan avait été d'une efficacité déterminée dans sa cueillette de baies et de plantes médicinales, ainsi que dans la pêche, notre esprit tutélaire Lakti ayant été magnanime envers ses enfants.
Mais notre propre récit de chasse devait attendre : l'autre groupe de chasse était revenu sans Shem. Argun, l'air contrarié, nous a expliqué que Shem leur avait faussé compagnie en partant vers les montagnes, après avoir annoncé qu'une "prestigieuse chasse" l'attendait, dont le mérite reviendrait à lui seul.
Vors le sage se désola de voir un chasseur du clan décider de courir après une promesse de gloire personnelle au moment où le clan avait besoin de rester soudé et humble devant la menace de la Saison du Sommeil.
Urhor ne décolérait pas, rongé d’inquiétude envers son aîné qui avait probablement voulu égaler ou surpasser les exploits de chasse de sa sœur Tara. L’intéressée quant à elle manifesta à haute voix son intention de dire ses quatre vérités à son sot de grand frère lorsque celui-ci serait rentré sain et sauf.
La soirée se passa dans la nervosité, chacun aidant à préparer la viande et les poissons pour que les aliments se gardent au mieux durant les longs mois d’hiver.
Kodä, Tara et moi fûmes réveillés au beau milieu de la nuit par les appels pressants de Garll, le regard enfiévré. Les esprits lui avaient envoyé un rêve : Shem, blessé, effrayé, était prisonnier du cœur de la montagne, la pierre elle-même était secouée par la colère d’un être immense et ses cris caverneux. Nous avons fait le lien avec la pâle étagne que Tara et moi avions contemplée. Tout dirigeait nos pas vers la montagne, et nous indiquait l’urgence de la situation.
Tandis que nous faisions des préparatifs empressés à la lumière de la lune, Vors nous apporta ses lumières : le bouquetin était la forme qu’empruntait Henki, esprit de la montagne, rapide à la colère et lent au pardon.
Nous sommes partis longtemps avant l'aube, courant pour arriver en vue des montagnes alors que le jour se levait à peine. Un amas de lourds nuages obscurcissait les sommets des pics. Mauvais augure. Nous nous sommes tout de même enfoncés dans les vallées étroites des Pas des Géants, guidés par les visions de Garll, jusqu'à gravir les pans de montagnes verdoyants. Là, la piste de Shem rejoignait celle de deux chasseurs venant des Roches Acérées, se dirigeant ensemble vers les hautes cimes.
J'ai exprimé sarcastiquement une possibilité fâcheuse : Shem souhaitait visiblement prouver sa valeur vis-à-vis de sa sœur, et quels meilleurs compagnons de chasse que de jeunes chasseurs énamourés de la tribu des Roches Acérées souhaitant également impressionner Tara ? Ceux-ci auraient même pu commettre la folie de s'en prendre au Vaourou d'Henki ...
Tara m'a répliqué sèchement que moi, Zortaq, était pourtant bien placé pour savoir que la vanité mal placée des chasseurs pouvait attirer le malheur sur eux, et que l'objet de leur désir n'était en rien responsable. Outch. Touché, la situation des chasseurs égarés ressemblait assez à celle que mon père Laoki avait connu avant sa mort.
Kodä et Garll nous rappelèrent que nous n'avions pas le temps pour de telles discordes.
Alors que nous gravissions le relief, l'atmosphère se fit lourde, orageuse. Des nuées de moustiques nous harcelèrent, ne nous laissant du répit que lorsqu'un vent mordant se mit à souffler une fois la nuit tombée. Nous nous sommes arrêtés pour la nuit. Kodä alluma et veilla sur le feu avec vigilance, tout en concoctant un poison mortel. Il prenait très au sérieux le péril annoncé par Garll.
Le lendemain, je repérais des vautours, descendant en spirale de leur vol majestueux. En nous approchons, nous avons reconnu Néouk, l'un des jeunes chasseurs de notre clan voisin. Au fond d'un précipice, les membres tordus, le crâne brisé. La montagne avait déjà refermé ses mâchoires sur l'un des impudents venus la défier. Cette vue m'a serré le cœur, et j'ai promis que nous ferions tout pour sauver ses compagnons de chasse d’abord, et ensuite honorer sa mémoire.
Alors que Garll repérait une fumée s'élevant au loin, un bêlement caverneux retentit, répercuté par les parois rocheuses. La sombre voûte nuageuse sembla alors s'écrouler sur nous, se déversant sur les montagnes tandis qu'un vent féroce se levait. La puissance que nous défions par notre volonté de secourir nos proches écrasa nos cœurs, sauf Tara, autant portée par le besoin de sauver son frère, que par l'envie de le gifler pour sa sottise lorsque nous serions en sûreté.
Nous nous sommes encordés à la hâte, et avons couru le long d'une crête vers l'ombre d'une caverne aperçue avant qu'un déluge d'eau glacée ne s'abatte sur nos têtes. Le bêlement infernal nous tourmentait toujours alors que nous avons butté contre le dos de Tara qui s’était arrêtée, surprise : un homme vêtu autant de vêtements que de broussailles nous attendait dans la grotte. Celui-ci nous invita à vite rentrer et nous sécher à son feu.
Worthan, ou "le Vieux Lion", se présenta-t-il. Ce nom nous évoqua immédiatement le lion spectral, pouvait-il y avoir un lien ? Inconscient de notre trouble, Worthan nous expliqua que – comme à Garll – les esprits lui avaient inspiré une vision, et il confirma nos craintes : trois chasseurs avaient tenté de tuer un majestueux bouquetin, le Vaourou de Henki.
Un personnage étrange que ce Worthan. Outre son accoutrement étonnant, il disait venir d'un clan très ancien, dont le nom même avait été oublié. Tara semblait méfiante, déclarant que ce clan ne pouvait avoir disparu depuis si longtemps puisque lui-même était encore en vie. L'inconnu solitaire répondit en riant qu'il était peut-être plus vieux qu'il n'en avait l'air ...
Quoiqu'il en soit, il disait souhaiter apaiser Henki, et nous lui avons proposé notre aide, inspirés par le présage de l’étagne immaculée. Et après tout, retrouver les deux survivants potentiels ne nous avancerait à rien si les éléments continuaient de déchaîner leur rage contre nous. Worthan nous dit ensuite que le chemin passait sous la montagne, en désignant un boyau s'enfonçant dans les ténèbres au fond de la grotte.
C'est alors qu'une goutte glacée me coulât le long de l'échine : nos torches avaient été détrempées par la violence de la pluie, et nous allions devoir nous contenter des brandons tirés du feu.
"Et s'ils s'éteignaient avant que nous ne ressortions ?", semblait me susurrer une voix intérieure railleuse. La longue marche dans le tunnel fut oppressante, le poids de la montagne semblait peser sur l'air même que nous respirions. Si la détermination de Tara semblait inébranlable, j'étais au contraire le plus éprouvé par cette traversée des ténèbres.
Worthan laissa Garll nous guider, se contentant d'un commentaire laconique lorsque nous nous sommes aperçu qu'une erreur d'orientation à un embranchement nous avait fait tourner en rond. Nous avons longé une corniche étroite. J’ai failli chuté, uniquement retenu par la vigilance de Tara qui m'a empêché de suivre le même chemin que mon couteau de pierre que nous avons entendu rebondir loin en dessous de nous contre la paroi abrupte de la faille.
L'escalade d'un puits nous a libéré de l'oppression de ces galeries : nous débouchions sur un panorama estomaquant : la blancheur des neiges éternelles, l'air vif, le calme au dessus des nuages emplissant la vallée !
Garll a reconnu le lieu vu en rêve.
Nous avons pénétré une nouvelle caverne, plus vaste cette fois-ci, et surtout glaciale, d'un froid surnaturel qui mordait la moindre parcelle de peau dépassant de nos manteaux. Nous avons pu voir des traces de course mêlées à celles d'un immense bouquetin, les chasseurs s'étaient réfugiés ici !
Après une longue descente au cœur de la montagne, nous avons atteint un orifice étroit, où nos appels ont trouvé réponse : Shem nous avait entendu ! Un à un, nous nous sommes engagés dans ce tunnel en rampant pour déboucher sur une salle toujours aussi froide. Alors que je débouchais juste après Tara, pour voir celle-ci s'élancer vers son frère, appuyé contre Hedrou, également blessé et frigorifié, une question inquiétante me vint.
Si son but était avant tout d'apaiser l'ombrageux esprit de la montagne, pourquoi Worthan nous avait-il d'abord guidé vers les chasseurs blessés ? Était-ce la fatigue et l'angoisse qui m'inspiraient un excès de méfiance, ou le Vieux Lion avait-il des intentions cachées à l'égard des effrontés ayant osé courroucer le puissant Henki ?
En attendant d'avoir des réponses à mes questions, je décidais de ne pas quitter des yeux l'ermite errant, priant les esprits du combat de guider ma main si mes inquiétudes devaient s'avérer fondées.
Commentaires
Enregistrer un commentaire