Récit final de session Würm du 29/11/2022 - Ombres et Sacrifices
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AVERTISSEMENT : ces résumés de partie sont basés sur la campagne officielle de Würm "Les Enfants de la Rivière", lire l'intégralité vous expose donc à des spoilers.
TRIGGER WARNING : cette session inclue des thèmes tels que
l'automutilation et le sacrifice rituel. Une fois de plus, les
joueur·euses ont défié les attentes du MJ qui
a improvisé et suivi le flot de nos initiatives inattendues,
encore merci à lui !
Ombres et Sacrifices
(récit de session finale de Würm du 29/11/2022, conté du point de vue de Zortaq)
Kodä et moi, Zortaq, surplombions la demi-douzaine d'hommes-ombres qui s'étaient relevés pour nous toiser, leurs regards rougeoyants fixés sur nous. Une carcasse de bouquetin, relief de leur repas interrompu, gisait au milieu d'eux, sur la plage de galets.
Garll et Tara quant à eux étaient dissimulés sur une corniche latérale, prêts à nous venir en aide en profitant de l'effet de surprise si nécessaire.
Nous avons réussi à garder la tête froide Kodä et moi, et je décidai d'interpeller Athran-mak : eux qui étaient nos ancêtres, nous savions qu'un conflit les avait opposés à Wuloï et à d'autres membres du clan des Sources Chaudes … Mais ce conflit avait eu lieu il y a des générations ! Beaucoup d'eau avait coulé depuis, pourquoi s'en prendre maintenant à leurs descendants en empoisonnant l'eau de la Rivière aux Anguilles, l'eau de Lakti, notre esprit tutélaire ?
Un silence pesant a suivi ma question. Ces êtres ténébreux disposaient-ils encore seulement de la parole, ou avaient-ils régressé à l'état d'entités prédatrices uniquement guidés par leurs pulsions ?
Athran-mak, ouvrit enfin la bouche et sa réponse nous surpris : il ne comprenait pas mon accusation. Lui et les siens s'étaient contentés de trouver refuge dans la vaste caverne où nous nous trouvions il y a bien des saisons …
Kodä intervint avec véhémence, mettant en doute ses paroles : Wuloï nous avait envoyé des signes, la souillure avait été causée par Athran-mak et restait en lui, sa nature même était une menace ! Le Sang Noir était à la source des maux qui accablaient Lakti et notre clan !
J'ai senti une sueur froide tandis que les traits d'obscurité servant de visage au meneur des spectres se durcit. Celui-ci gronda avec hargne que nous étions bien des descendants de Wuloï, celui qui les avait fuit et les avait abandonné à la malédiction de Kani'hounâ.
Athran-mak nous concéda d'un ton venimeux le fait que nous étions étrangement braves et compétents pour avoir vaincu leur colossal geôlier qui leur interdisait le passage du col.
À ces paroles nous avons vu défiler les conséquences qu'avaient pu mettre en branle notre lutte désespérée contre l'abomination de la vallée. Les spectres libres de décimer les clans des Arbres Blancs et des Enfants de la Rivière réfugiés dans la caverne ancestrale de la Source Fumante. Puis, lorsqu'ils n'auraient plus de victimes pour étancher leur soif de dévastation, les six hommes-ombres suivant le cours moribond de la Rivière aux Anguilles pour amener la terreur jusqu'aux autres clans d'homme-ours comme d'hommes-longs …
Il nous demanda abruptement si nous étions venus seuls.
Ne souhaitant pas dévoiler la présence de Tara et Garll, j'ai menti par omission en déclarant que nous n'avions pas jugé que la recherche de la source de Lakti nécessitait un grand nombre de membres du clan.
N'étant pas dupe, Athran-mak déclara audiblement qu'il savait que quelqu'un se cachait dans cette grotte même, poussant Tara et Garll à révéler leur présence. Garll les défia hardiment du regard lorsque notre ancêtre maudit évoqua qu'il se doutait bien qu'un chamane avait dû être présent pour nous permettre de défaire le géant gardien.
Sentant que malgré la tension ambiante, engager le combat contre ces spectres serait hasardeux, j'essaie de ramener la discussion sur les réponses que nous cherchions : que s'était-il passé après le départ de Wuloï et de ceux qui l'avaient suivi ? Où étaient passés les autres membres du clan ?
Athran-mak considéra la question, et répondit avec amertume qu'ils étaient les seuls rescapés, bien qu'ils ne vivaient plus qu'une parodie d'existence. Les autres membres du clan étaient morts un à un, leurs mannes tourmentées par le regret d'avoir suivi sa folie s'étaient incarnées dans la sentinelle aux multiples visages que nous avions terrassée.
La malédiction de Kani'hounâ les avait maintenu vivants, lui et ses cinq compagnons, tout en leur interdisant de paraître à la lumière du jour, les condamnant à l'état d'ombres recluses dans les ténèbres.
Cette interminable déchéance lui avait laissé tout le temps de regretter cette décision prise sous le coup de la rage contre le monde entier, contre la mort qui lui ravissait son fils puis son épouse.
Nous avons alors réalisé avec étonnement qu'Athran-mak lui-même regrettait d'avoir survécu ainsi. Son sacrilège lui avait conféré une nature maléfique, mais ses regrets le privaient de malveillance.
En reconsidérant nos dires concernant le Sang Noir, Athran-mak finit par admettre que, bien que ce soit indépendant de leur volonté, leur seule présence à proximité de la source de Lakti avait pu empoisonner petit à petit son eau. Le glacier que nous avions franchi avait empêché pendant un temps la corruption de se répandre, mais celle-ci avait finalement commencé à se manifester il y a quelques lunes, bien que les êtres maudits s'étaient réfugiés dans cette caverne il y a plusieurs saisons de cela.
Tant que ceux-ci étaient présents, tenter de purifier l'eau de la source était futile.
J'ai alors proposé un marché à Athran-mak : tenter d'intercéder auprès de Kani'hounâ en leur faveur afin de leur donner une chance de briser la malédiction. Toutefois, nous ne pouvions garantir la décision finale de l'esprit qu'ils avaient défié. Celui-ci accepta, évoquant avec mélancolie l'espoir de retrouver dans l'autre monde ceux dont il avait été séparé il y a si longtemps.
Tara, redoutant un revirement perfide de ces êtres ténébreux, avança avec bravoure pour toiser Athran-mak droit dans les yeux. Elle exigea de lui un serment qu'il ne pourrait pas rompre, un serment sur quelque chose auquel il accordait plus de valeur que sa propre existence. Il jura de nous assister autant que possible afin de briser cette malédiction. Il le jura sur la mémoire, sur l'esprit et sur l'âme de feu son épouse Kaïloh.
Nous avons entamé nos préparatifs pour la cérémonie. Athran-mak tenta de retrouver la transe qui lui inspirait des visions lorsqu'il était encore chamane au sein de son clan, assis immobile en bord de ruisseau. Garll, notre propre chamane, au contraire parcourait la caverne de fond en comble, se familiarisant avec ses moindres recoins avant le rituel … Tout du moins jusqu'à ce que Tara insiste avec véhémence pour qu'il se repose et mange.
Tara avait elle-même décidé de disposer de lourdes pierres en cercle, aidée par les cinq compagnons mutiques d'Athran-mak. Elle les enjoignait à dédier leurs efforts physiques en tant qu'offrande et signe de respect envers Kani'hounâ. Kodä dessinait de grandes fresques murales représentant des ours, tandis que je formais diverses effigies avec l'argile tapissant les pentes humides de la caverne. Kodä et moi avons agrémenté nos œuvres de l'étrange moisissure luminescente poussant sur les murs de la caverne, afin de leur donner un aspect plus saisissant, d'insuffler une lueur aux yeux des représentations d'ursidés. Ces divers préparatifs ne seraient pas suffisants, mais chacun de ces gestes serait un pas de plus vers la faveur que nous demanderions à la Grande Ourse Rouge.
Garll, adoptant sa forme bestiale de thérianthrope, martela son tambour d'un rythme lent, pesant. Nos voix s'élevèrent en mélopée résonnante tandis que les percussions accéléraient, nous commencions à danser.
La grotte me paraissait tantôt étouffante, tantôt aussi vaste qu'une vallée. Notre notion du temps se brouillait, notre vision était floue et nos cœurs battaient à l'unisson du tambour dans une atmosphère onirique. Soudain, un rugissement retentissant résonna contre la voûte de pierre. Un ours rouge, massif, aussi majestueux que terrifiant, se tenait à l'entrée de la salle, nous écrasant de sa présence.
Nous avons constaté quelque chose d'inattendu : les six spectres étaient pétrifiés par la peur ! Garll s'adressa à Kani'hounâ en premier, exposant brièvement notre demande. Tara fit signe aux êtres affligés par le sang-noir de se mettre à genoux, afin que leur immobilité ne soit pas prise pour un nouveau défi.
C'est alors que pour la première fois, un esprit nous fit entendre sa voix. Les paroles ne sortirent pas de la gueule de l'ours, mais nous les entendirent pourtant comme si Kani'hounâ parlait directement en nous. Elle nous demanda avec une évidente irritation si les misérables qui l'avaient reniée étaient bien la raison de notre appel à sa présence.
J'ai tenté de l'apaiser en annonçant que nous étions prêts à lui faire offrande de toutes nos possessions de valeur : fétiches, armes enchantées ou non, trophées … Mais cette proposition a été balayée avec dédain. Un sacrilège d'une telle gravité ne pouvait être compensé par un don de simples possessions, qu'il s'agisse à nos yeux de breloques ou de trésors.
Il fallait un sacrifice. Qu'étions-nous prêts à sacrifier afin que nos ancêtres maudits puissent espérer trouver le repos ?
Nous avons pesé la gravité de la question.
Garll fut le premier à agir, saisissant fermement son couteau et s'y reprenant à plusieurs reprises pour sectionner son avant-bras, tombant à genoux sous la douleur.
Kodä déclara qu'il ne pouvait se priver d'une main pour continuer à servir la tribu en tant que sorcier-guérisseur. Il donnerait donc quelque chose dont il sentirait le manque à chaque instant : sa parole. De même, il saisit son couteau et se sépara de sa langue.
Je pris ensuite la parole : je n'étais pas un grand chasseur, je n'étais pas un chamane, je n'étais pas un guérisseur. Je n'avais que la force de mes bras, l'acuité de mes yeux et ma capacité d'écoute à offrir au clan. Afin de ne pas être un poids pour les nôtres, mais d'offrir un digne sacrifice, je décidais de me séparer d'un doigt, d'une oreille et d'un œil.
Tara, d'abord révoltée avec l'empressement avec lequel nous consentions à nos sacrifices, déclara qu'elle ne vivait que pour et par la chasse, et qu'amoindrir ses talents en la matière nuirait au clan. Elle décida donc de se séparer de la seule chose la gênant à la chasse : l'un de ses seins.
Alors que nous étions tous terrassés par la douleur de nos mutilations, la voix de Kani'hounâ se fit moins cruelle : elle reconnaissait la valeur des sacrifices auxquels nous étions prêts à consentir. Un vertige et un éblouissement nous saisit : soudain, les six ombres nous accompagnant s'étaient évanouies, ainsi que nos blessures.
Kani'hounâ nous parla une dernière fois. Athran-mak et les siens l'accompagneraient par delà le monde d'en dessous afin d'être à nouveau jugé, le reste dépendait d'eux et non de nous. Nous avions fait notre part. Alors que l'ours quittait la caverne, nous avons perdu connaissance.
Après une journée de repos, nous avons mélangé les eaux des sources prélevées plus tôt avec la source de Lakti, priant pour que cela suffise à la purifier des nombreuses Saisons de souillure qu'elle avait subit. La disparition des êtres maudits signifiait-elle la disparition de la corruption qu'ils avaient engendrée ? Ou faudrait-il encore de nombreux cycles avant que la Rivière aux Anguilles ne se remette de ses stigmates ? Nous ignorions la réponse, mais encore une fois, notre rôle était terminé ici.
Nous avons pris le chemin du retour, constatant la disparition du corps colossal et souhaitant que les mannes qui le composaient aient trouvé un répit à leurs tourments. Nous avons atteint la Source Fumante en quelques jours.
Les retrouvailles furent joyeuses : Garll déclara immédiatement qu'un festin était la seule circonstance dans laquelle nous pourrions convenablement conter nos péripéties. Kodä et moi avons protesté : à l'approche de la Saison du Sommeil, les réserves se devaient d'être ménagées … Tara soutint Garll en promettant qu'elle saurait mettre les bouchées doubles pour nourrir le clan, et qu'elle chasserait qu'il vente ou qu'il neige.
Alors que les deux clans des Enfants de la Rivière et des Arbres Blancs étaient rassemblés autour d'un grand feu, Tara a entamé son récit de notre lutte désespérée contre le géant affronté dans la vallée en pleine tempête de neige … Tandis que nous provoquions les rires de nos proches en mimant la lutte dans son dos de façon exagérée.
Kodä a évoqué notre traversée des gorges et du glacier, puis notre exploration menant à la source souterraine de la Rivière aux Anguilles.
Je résumai notre rencontre d'Athran-mak, n'ayant étonnamment pas débouché sur une confrontation sanglante, et les révélations qu'il nous avaient faites sur le funeste destin de nos ancêtres n'ayant pas suivi Wuloï.
Enfin, Garll raconta la cérémonie ayant mené à la rencontre de Kani'hounâ. Sous l'insistance de Tara, il évoqua même la douloureuse mise à l'épreuve que la Grande Ourse rouge nous avait imposée.
Enfin nous avons conclu : l'origine de la
corruption n'était plus, mais nous ignorions quand nous pourrions
revenir vivre aux abords de la Rivière aux Anguilles.
Malgré les incertitudes qui subsistaient, notre récit fut accueilli avec liesse et nos réussites célébrées. Le clan n'était plus maudit. Nos ancêtres avaient trouvé une forme d'apaisement. Le clan avait un futur.
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